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les trois exils C’est un roman passionnant sur le parcours de vie exceptionnel de Salina, une enfant abandonnée. Nous retrouvons dans ce texte la porosité entre le monde des morts et celui des vivants déjà évoqué superbement dans La porte des enfers et d’autres romans de Laurent Gaudé. « Il doit mordre la vie, l’éprouver, la crier pour ne pas risquer de rester du côté des morts. » Salina est déposée bébé par un cavalier sur le sol d’un village. Sissoko Djimba, le chef du village, ne veut pas l’accueillir. Il laisse « le paquet de linge qui pleure » sur le sol et il repart. Le soleil n’arrête pas les cris du bébé et les hyènes ne le mangent pas. Le roman débute sur le départ de Salina mourante avec son troisième fils. Celui-ci la portera jusqu’au Mont Tadma. La toilette du cadavre de la mère par le fils est magnifique : « Il va lentement. De chaque doigt montent les souvenirs d'autrefois. Il les sent, les laisse s'échapper, flotter un temps dans l'air, puis s'évanouir. Chaque doigt raconte et laisse partir ce qu'elle fut. Chaque doigt et ensuite chaque bras, avec la même lenteur. C'est la longue toilette du fils à la mère. Cela prend des heures. Il ressent tout et lorsque la nuit tombe, il s'arrête, conscient qu'il ne doit rien presser. Le lendemain, il poursuit. Et le jour d'après encore. Il continue, soulève la tête, prend plus de temps encore pour le visage. Il faut être minutieux. La bouche avec tous ses mots prononcés, crachés, tous les mots jamais sortis qu'elle n'a pu articuler et qui sont morts en elle, comme de petites choses non nées. » Malaka arrive dans un village avec sa mère et rencontre Darzagar qui l’emmène en boutre jusqu’au cimetière. C’est un roman, qui tel un grand mythe, retrace les sentiments humains fondamentaux que nous connaissons tous à des degrés divers, déployés avec brio sous la plume de Laurent Gaudé. Les symboles donnent encore plus de force aux différentes péripéties de ce roman. Nous découvrons les méandres des mystères, des évènements dramatiques que Salina surmontera et nous partageons avec elle l’évolution et la complexité d’une vie qui sera subie : « Je ne peux pas trouver un mot pour chaque instant du quotidien qui est une menace, une humiliation, une violence, et pourtant il faudrait, pour dire la torture de se sentir mourir lentement, enfermée dans une vie qui vous a été imposée. » C’est malheureusement une situation que connaissent encore beaucoup de femmes. Brigitte Aubonnet |
Sommaire Lectures Actes Sud (Octobre 2018) 160 pages - 16,80 € Laurent Gaudé Bio-bibliographie sur le site de l'auteur: www.laurent-gaude.com Découvrir sur notre site d'autres romans du même auteur : La Porte des Enfers Ouragan Pour seul cortège Écoutez nos défaites Et deux pièces de théâtre : Caillasses Et les colosses tomberont |
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