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Julien DUFRESNE-LAMY


907 fois Camille

907, c’est le nombre de fois où l’auteur a écrit le prénom de Camille dans ce livre qui est plus un récit qu’un roman. C’est aussi un ouvrage sur l’écriture, sur le rapport entre le réel et la fiction. « Je pratique le roman comme le déguisement et c'est peu dire que, pour moi, il s'agit du plus bel accoutrement. Pourtant en y réfléchissant, relisant mes livres comme on observe parfois de vieux talismans, le vrai a toujours été là, entre les lignes et mis sous silence, par peur du fondé, par frousse immuable de la réalité. »
Tout au long du livre et des années qui ont précédé sa parution, l’auteur s’interroge sur la forme qu’il peut donner aux confidences qui lui sont offertes. Dans un premier temps, il n’imagine même pas écrire son nom sur la couverture. Dans son ordinateur, le fichier s’appelle Camille.
« Depuis que ce livre existe, une peur pointille : comment faire de longues confidences un livre vrai, un vrai livre ? Comment faire de mon amie une héroïne ? »

Mais qui est Camille ? C’est la fille de Dominique, alias Dodo la Saumure, « un homme grandiloquent et imprévisible » qui a connu la célébrité (on ne peut pas parler d’heure de gloire !) en 2011, avec l’affaire du Carlton de Lille où il fournissait des prostituées pour les soirées de quelques notables dont le directeur du Fonds monétaire international, DSK.

L’auteur rencontre Camille lors d’une soirée en 2012. Il ne sait pas qui elle est. Ils bavardent, sympathisent, se revoient plusieurs fois. Il a 25 ans et n’a encore publié qu’un seul livre, Dans ma tête, je m’appelle Alice, où il évoquait l’image de sa mère. Elle l’a lu, ils en parlent et il lui dit ce qui est vrai dans ce livre et ce qui lui revient. Elle lui révèle qui est son père et au fil du temps, décide « d’ouvrir les tiroirs de ses souvenirs », en commençant par l’origine de son prénom, puis en remontant le temps, faisant apparaître Antoinette, sa grand-mère (la mère de Dodo), puis Marie sa mère et, plus tard, Diane, sa fille, qui naît en 2019. Quatre générations, toutes concernées par les frasques et les absences du même homme qui ne sera pas au cœur du livre mais en creux, dans son impact sur la vie des autres.
« Depuis le début, je ne sais qu'une chose : ne pas vouloir un livre sur Dodo qui n'a d'intérêt ici que dans ses absences, ses actes lointains, son emprise fantomatique. Au contraire, je veux écrire un livre vivant, bien vivant, sur une femme, des femmes, réunies de gré ou de force autour d'un violateur. […] il me faut savoir comment peut-on être femme dans l'ombre d'un homme qui en exploite tant. »
« Camille a deux sœurs et elles forment ensemble trois âges, trois générations liées par quelque chose d'insurmontable. La petite s'appelle Mathilde, née en 2009, et l'aînée s'appelle Daphné, née dans les années 1970, et ces deux autres histoires pourraient être un arc de plus au feuilleton, un livre qui ressemblerait en rien et en tout point à celui de Camille. »

Camille naît en 1987 et sa naissance, déjà, donne lieu à un mensonge quand Marie répond évasivement à ses questions : « J’ai eu mes premières contractions, ton père m’a conduite à la maternité, là-bas tout s’est bien déroulé… ».
Ce n’est qu’en 2019, à la naissance de sa propre fille que Camille apprend la vérité de ce jour-là. Dodo était à Fleury-Mérogis. Marie accouche seule à la clinique et tombe dans le coma au cours de l’accouchement. C’est Antoinette, la mère de Dodo, qui vient recueillir la petite Camille pour abréger l’inévitable placement à la DDASS.

Marie a rencontré Dodo en 1986 après une première histoire terminée sans enfant. Il a 36 ans, elle en a 41. Enceinte, elle considère cette grossesse comme un miracle tout en sachant que Dodo n’a rien d’un ange.
La vie avec lui est chaotique et elle y met fin au bout de cinq ans mais la séparation n’empêche pas les arnaques de continuer. Plusieurs années après, « Marie a été escroquée par Dodo qui a imité sa signature pour un bien immobilier. Voilà Marie ruinée, avec cette saisie sur salaire tous les mois, contrainte d'utiliser la vente de son appartement parisien pour payer des avocats pendant des années. »

C’est quand elle a dix ans que Camille apprend par sa grand-mère, que son père est proxénète et en prison. Camille ne connaît pas les mots proxénétisme et prostitution et Antoinette ne les explique pas. « Marie, plus tard, non plus. Des mères qui n'expliquent pas, ne disent rien, muettes ou terrifiées, c'est la vie de Camille et encore aujourd'hui, elle ne croit pas que sa mère lui ait un jour parlé de son père proxénète, incarcéré. »

Les mois et les années passent, huit ans entre les premières conversations de 2012 et la rédaction de l’ouvrage au début du confinement. Les souvenirs ressurgissent, entre des blocages qu’il faut dépasser, les épisodes et les rebondissements ne manquent pas. Dodo ne coupe jamais totalement les ponts, il réapparaît de temps en temps pour voir sa fille puis sa petite-fille.

Le livre est passionnant, respectueux de l’amitié et de la confiance qui a permis les confidences. Il poursuit la réflexion de l’auteur sur l’acte d’écrire puis de publier. Depuis 2012, Julien Dufresne-Lamy a publié six romans pour la jeunesse et autant pour les adultes. Il creuse un sillon personnel et chaque livre vient enrichir une œuvre cohérente et exigeante. « Malgré les sujets de livre en livre, j'ai la conviction que l'on écrit, aujourd'hui, une seule et même intrigue. Écrire le même livre toujours, pour mieux respirer, pour ne jamais délimiter l'identité, jamais la finir, jamais l'enterrer. »

Serge Cabrol 
(04/11/21)    



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Lectures







Julien DUFRESNE-LAMY, 907 fois Camille
Plon

(Août 2021)
336 pages - 19 €

Version numérique
12,99 €









Julien Dufresne-Lamy
a publié six romans en littérature générale et six romans pour adolescents.


Bio-bibliographie
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Julien Dufresne-Lamy
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