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Quand on lit Jean-Philippe Blondel (plus d’une vingtaine de romans pour les adultes et les ados) on devient vite addict, pour ses situations, ses personnages et sa façon très personnelle de créer l’émotion. Après chaque livre refermé, on guette le suivant. Cette fois encore, on n’est pas déçu. Ici, trois personnages. Deux garçons et une fille. Des lycéens de dix-sept ans en classe de Première option danse. Des caractères bien trempés. Des ados qui vivent et ont vécu des situations difficiles. Adrien est fils unique. Ses parents ont des problèmes de communication que nous découvrirons au fil du roman. C’est un ado en colère. En guerre contre l’injustice. Une boule d’énergie pas facile à gérer. Un ado qui a une passion : la danse. il l’a découverte à huit ans, par hasard, et, depuis, il s’entraîne seul, dans une pièce du sous-sol que ses parents l’ont laissé aménager sa guise. Anaïs a d’abord été gymnaste. « J'avais commencé la gymnastique rythmique très tôt. Le coach prétendait que j'avais un vrai potentiel. J'avais gravi tous les échelons, petit à petit, grâce à un travail acharné et à un nombre incalculable d'heures d'entraînement. Quand j'ai eu treize ans, j'ai exécuté un enchaînement devant des juges venus de toutes les régions. Ils m'ont sélectionnée pour l'équipe nationale. Il faudrait encore travailler d'arrache-pied, sacrifier les sorties et sans doute une partie de mes études, mais ils pensaient que ça valait le coup. Mes parents étaient très fiers. » Anaïs avait beaucoup de rêves : participer aux jeux olympiques, devenir une star. Mais tout s’est effondré très vite. Elle a quitté sa famille pour un centre de formation où l’entraînement était encore plus exigeant, où seul régnait l’esprit de compétition. Au bout de trois mois, le dirigeant de la section lui a expliqué qu’il lui manquait « un petit quelque chose », qu’elle « n’aurait jamais de charisme », « qu’une séparation à l’amiable était préférable ». Anaïs était effondrée. Des années de sacrifices et de travail intensif pour en arriver là. C’est en arrivant en seconde au lycée, qu’elle a découvert l’option danse et rencontré Adrien puis Sanjeewa. Sanjeewa vient du Sri Lanka. Son père était professeur de français et donnait des cours à l’université. La situation politique s’est dégradée au point qu’il n’était plus possible de rester sans risquer la prison. Sanjeewa avait sept ans et sa mère était enceinte de Mira la petite sœur née en France. Maintenant son père travaille dans une entreprise de nettoyage de bureaux. Il a transmis à son fils son goût pour la langue française et le plaisir des mots précis. Sanjeewa s’exprime donc très bien et déconcerte tous les gens qu’il rencontre par un sourire désarmant. Au moment d’entrer au lycée, lui aussi a choisi l’option danse parce que la danse au Sri Lanka fait partie de la vie. « Le mieux, le plus proche de moi en tout cas, c'est le ves. C'est une danse du centre du pays. Que des hommes. Un enchaînement d'acrobaties — des saltos arrière, des coups de pied hauts, des pirouettes combinées à des mouvements des pieds et des mains qui suivent une chorégraphie très précise. C'est très impressionnant. […] Quand j'enchaîne les figures, ici, les autres sont stupéfaits par l'exactitude des placements et par des enchaînements auxquels ils n'auraient pas pensé. Ils approuvent. Parfois, ils me tapent sur l'épaule en hochant la tête. Ils me trouvent original. » En seconde, Anaïs a d’abord rencontré Adrien et une relation très forte s’est installée entre eux. Mais Adrien a en lui une violence qu’il a du mal à maîtriser et qui a effrayé l’adolescente. Avec son beau sourire et sa douceur, Sanjeewa l’a consolée, rassurée. Adrien lui-même a été conquis par l’intelligence et la souplesse de Sanjeewa. Mais où en sont-ils maintenant ? Chacun des trois aime les deux autres. Amour, amitié, les frontières sont mouvantes. La danse est leur passion commune, c’est elle qui les relie de façon irrésistible malgré tout ce qui peut par moments les opposer. Jean-Philippe Blondel réussit une fois encore à construire un univers et des situations complexes entre des personnages très attachants, créant chez le lecteur un besoin irrépressible de mieux les connaître, les comprendre, partager leurs désirs, leurs colères, leur passion. Une fois embarqué, de chapitre en chapitre, on passe de l’un à l’autre de ces trois ados avec une envie toujours renouvelée de savoir comment va finir cette histoire où l’ombre et la lumière ne cessent de s’alterner, entre exaltation et découragement, peur et désir, amour et violence. L’auteur a décidément un grand talent pour placer son lecteur, toujours sous un angle différent, au cœur du maelstrom de l’adolescence, cette période de construction et de passage si trouble et contrastée. Serge Cabrol (25/09/18) |
sommaire Jeunesse Actes Sud Junior (Août 2018) 176 pages - 13,90 €
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