Retour à l'accueil du site | |||||||||
Retour Sommaire Nouvelles |
Ces vingt-quatre nouvelles courtes (de quatre à huit pages) creusent, comme le titre l’indique, de façons fort diverses le sillon de la filiation. « Et ce n’est pas là chose légère, futile, que la relation d’un père et de son fils. » (Transmission). Plus de la moitié des récits s’attachent à la relation du fils au père, intense ou espérée en vain, fugace, trop vite rompue ou simple objet de fantasme quand l’identité même de celui-ci reste à l’enfant inconnue. Ce lien spécifique peut être le sujet principal du récit ou se trouver brièvement évoqué en périphérie de l’histoire centrale dans un détour annexe mais toujours significatif. Cette relation filiale nous est majoritairement restituée par le fils. Sauf dans Pas ce soir où un vieux militaire dans un établissement pour personnes âgées attend chaque semaine la venue d’un fils qui ne vient jamais ; dans Le marcheur ou Une petite histoire de famille, c’est par le biais du père que l’histoire nous sera contée. Ceux-ci sont boucher, cordonnier, assassin, militaire, professeur, écrivain, tendre et effacé ou alcoolique et violent, taiseux certaines fois, autoritaire à d’autres, trop absent souvent. Dans plusieurs nouvelles,notamment N’allez pas croire que cela soit facile ou Comme une parenté, ce sont les mères qui laissent d’indélébiles traces chez les fils qui s’expriment. Le sujet peut en être aussi le couple, celui des parents du narrateur bien sûr mais aussi de voisins de palier ou de relations proches comme dans Aymée, Armand et la photographie qui dit si bien l’amour « quoi qu’il en soit », ou encore en creux dans le cas de l’orphelin d’Il aurait suffi. Bref, on nage dans des histoires de famille, avec les secrets qui s’y cachent, les mensonges, les frustrations générées et parfois les drames qui en découlent. Enfin, Jean-Claude Tardif, ici et là, sème quelques références littéraires évoquant Aragon, Paulhan, Char, Camus, Guilloux dans Hagiographie (fiction très inspirée du personnage de Louis-Ferdinand Céline), Stevenson, Féval et Corbières dans Aymée, Armand et la photographie, Chateaubriand et Cocteau dans Tout est question de perspective avec cette phrase attribuée à ce dernier : « Si un mystère nous échappe, feignons d’en être l’organisateur ». Conan Doyle y fait aussi une brève apparition dans Le complexe de Reichenbach. L’écriture travaillée, rythmée, ciselée et sans fioriture de Jean-Claude Tardif donne vie à ces nouvelles graves en les positionnant à la lisière de la littérature de genre, polar ou fantastique, et de la nouvelle classique, en trempant sa plume tantôt dans le sang, tantôt dans le vin, tantôt dans la douleur mais aussi dans le rêve, les émotions, un sourire ou le bruissement de l’eau ou du feuillage. Ajoutons à cela une tension bien entretenue, un art de la chute et une bonne dose d’humour noir par moments, cinglant ou plus joueur à d’autres : Jean-Claude Tardif parvient dans Les liens du sang à nous embarquer dans de drôles de voyages, où le mystère, le tragique mais aussi la lumière et la tendresse se tapissent derrière la banalité la plus quotidienne. Ses héros, « humains ballottés par des destins tumultueux » comme l’écrit Jacques Nunez-Teodoro dans la préface, sont nos voisins, nos cousins, nous-mêmes peut-être par instants, leurs douleurs et leurs espoirs résonnent en nous et permettent à l’auteur, sans masque, avec conviction, empathie et subtilité, de se dire, de dire le monde qui déraille, la violence réelle ou symbolique, les secrets et la frustration qui détruisent des vies et l’amour et la joie qui les illuminent. Dominique Baillon-Lalande |
Sommaire Lectures Éditions JKDC (Mai 2021) 128 pages - 15 €
Découvrir sur notre site d'autres livres du même auteur : Navaja, Dauphine & accessoires La douceur du sang Choisir l'été… L’illusion du père Contes gris Je vous regarde |
||||||