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Antoine CHOPLIN

Partie italienne


Gaspar est artiste plasticien, son œuvre est empreinte d’humanité et pour cela il est reconnu et très sollicité. Fuyant Paris et une agente un peu trop encombrante, il s’installe à Rome dans un hôtel, il n’a pas décidé pour combien de temps. Gaspar est un type tranquille, qui collectionne mentalement les noms des rues mais n’a pas le sens de l’orientation. Il passe ses journées à la terrasse du Virgilio, sur le Campo de’Fiori, à l’ombre de la statue de Giordano Bruno. Étrangement, personne ou presque, sur cette place encombrée de touristes et d’étalages de marchands forains, ne semble savoir qui était Giordano Bruno. Gaspar lui aussi l’ignore. C’est de la bouche du cuisinier du Virgilio qu’il en apprendra un peu plus sur ce dominicain brûlé au tout début du XVIIe siècle pour hérésie, sur cette même place.
 
Que fait Gaspar sur le Campo, toute la journée ? Il joue aux échecs, avec tout passant qui souhaite faire une partie contre lui. Il y a toujours des joueurs d’échecs dans les romans de Choplin, mais ils sont rarement au centre de l’intrigue. Ici, c’est tout le contraire. Les échecs sont le motif principal de l’histoire. C’est ainsi qu’il rencontre Marya, une Hongroise experte à ce jeu. Marya poursuit une quête. Une quête qui a à voir avec sa famille, Auschwitz, et les échecs. Une quête qui l’a conduite à Rome, pour une dernière partie.
 
Partie italienne est un roman court, mais ce n’est pas un petit roman. Antoine Choplin, avec sa manière toute personnelle de faire sonner les dialogues et les réactions intérieures de ses personnages, nous offre un texte tendre et profond, de réconciliation et d’humanité. Tout y est fluide, étonnant, poignant. Comme lors de cette scène de restaurant où Marya, après avoir dit qu’il y avait des notes de cuir et de foin dans le vin qu’elle a commandé, raconte à Gaspar l’objet de sa quête et son rapport avec Auschwitz, et que Gaspar, bouleversé par le récit, l’interrompt pour l’informer que oui, effectivement, là, maintenant, le cuir, il le sent. Et la conversation essentielle reprend. Ce texte est le contraire d’un texte léger. Pourtant, dans la narration, on flotte au-dessus de la gravité, on est comme en apesanteur.
 
Les échecs sont une matière littéraire, on peut citer des dizaines et des dizaines d’ouvrages dont ils sont le motif principal. Partie italienne s’inscrit dans la tradition des grands textes échiquéens basés sur la tragédie. Mais Choplin s’empare du motif pour nous embarquer dans une histoire d’amour merveilleuse, et dans l’Histoire tout court. Il donne à son Gaspar une humilité rare dans le monde de l’art contemporain, et la faculté de réaliser des œuvres immédiatement compréhensibles par le public, qui n’ont pas besoin du truchement de l’explication verbale ou de la contextualisation.
 
Partie italienne : pour moi un des plus beaux romans parmi ceux que j’ai lus en cette rentrée littéraire. Sans compter qu’on y fait allusion, aussi, à Oblivion d’Astor Piazzola… musique parfaite pour ce roman.

Christine Bini 
(12/09/22)    
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Buchet-Chastel

(Août 2022)
176 pages - 16,50 €




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