Retour à l'accueil du site





Philippe BESSON


Ceci n’est pas un fait divers


En effet, c’est un roman. Mais là est la surprise, ou bien l’astuce de l’auteur, car les premières pages peuvent ressembler à cette sorte de narration puisqu’elles découlent d’un « fait divers », d’une histoire vraie. Ce début expose donc les faits : une fille de 13 ans, témoin d’un drame familial, téléphone à son frère, élève de l’École de danse de l’Opera de Paris. Ce dernier, bouleversé, décide de prendre le premier train et de se rendre auprès de sa jeune sœur.
Le roman commence ainsi : « Au téléphone d’abord, elle n’a pas réussi à parler » et puis la dernière phrase, du même chapitre : « Elle a dit : Papa vient de tuer maman » 
Leur père est parti de la maison après avoir commis son acte.

Et dès le chapitre suivant :
« Léa avait treize ans, moi dix-neuf.
On n’était pas taillés pour une calamité de cette nature, de cette ampleur.
Personne ne l’est. Évidemment.
Sauf que nous, ça nous est tombé dessus »

Nous allons suivre cette affaire. Avec cet intérêt convoqué par l’écriture de Philippe Besson car, au-delà du « fait divers », c’est un moyen de sensibiliser les lectrices et les lecteurs, au drame que vivent ces deux enfants. Ils sont d’abord face à l’horreur, puis au deuil, à la haine, au dégoût, et leurs réactions, parfois sourdes, parfois mélangées, vont se succéder comme leurs sentiments.

Au début de cette histoire, le narrateur explique le déroulement des faits. Puis progressivement le frère livre ses réflexions et ses pensées : « Quand je raconte, on pourrait croire que cet enchaînement d’émotions a duré longtemps. Mais non, à peine une poignée de secondes. C’est extraordinaire, tous les états qu’on peut traverser en une poignée de secondes. »  

Ainsi les conséquences de l’acte du père agissent sur ses enfants. Philippe Besson, comme un acteur, sait faire deviner la pertinence du texte, ce qui est à peine perceptible, dissimulé sous la surface, pour nous le rendre d’autant plus prégnant. En peu de mots, en tournures personnelles, il nous fait ressentir tous les sentiments, étonnements, questions et complications diverses, que cet acte peut provoquer.

Cette histoire – qui n’est pas un fait divers –nous amène progressivement à réaliser que la violence était déjà là, qu’elle avait couvé jusqu’à ce quelque chose qui a mis « le feu aux poudres ». Les protagonistes en avaient-ils conscience ?
« En effet, est-ce qu’on ne voit rien ou est-ce qu’on ne veut rien voir ? […] On déniche même des formules définitives : On ne pouvait pas imaginer l’inimaginable… ». Mais nous savons que des situations semblables sont hélas bien trop fréquentes.

Dans cette histoire, on voit le frère se préoccuper beaucoup de sa sœur Léa.
De même, le commandant Verdier, le policier chargé de l’affaire, compréhensif et attentif, transmet le désir du père, alors en prison, de voir ses enfants, mais ils refusent.
La réaction de Léa est cette « terreur » que son frère comprend et qui lui fait dire : « Ce qui importait, c’était d’entrapercevoir pour la première fois, la profondeur du traumatisme qu’elle avait subi. Car c’était bien cela dont son regard témoignait. Cela, pas autre chose. »

La façon d’évoquer ce drame est subtilement élaborée, romanesque et juste. Certains thèmes sociaux sont abordés, avec cette manière discrète de distiller les motivations animant les personnes qui vivent ce genre de drame.

Il s’agit là du talent de l’auteur.
Philippe Besson est encore, non seulement pertinent et sensible mais d’une grande finesse d’analyse.

Anne-Marie Boisson 
(20/02/23)    



Retour
Sommaire
Lectures







Philippe BESSON, Ceci n’est pas un fait divers
Julliard

(Janvier 2023)
208 pages - 20 €

Version numérique
13,99 €





Philippe Besson,
né en 1967, écrivain, scénariste, critique littéraire, a écrit plus d'une vingtaine de livres et obtenu plusieurs prix.


Bio-bibliographie sur
Wikipédia





Découvrir sur notre site
d'autres romans
du même auteur :

Une bonne raison
de se tuer



De là, on voit la mer


La maison atlantique


Les passants de Lisbonne


« Arrête avec tes mensonges »


Un certain Paul Darrigrand


Dîner à Montréal


Paris-Briançon