Ses messages restant sans réponses, il va lui falloir chercher à en savoir plus sur cette compagne qui l’éblouit mais qui, même si leurs corps se sont donnés sans compter, s’est finalement si peu livrée, si elle veut la retrouver. Qui est vraiment cet ovni ultrasensible auquel le monde cruel du collège a fait sentir toute sa différence, qui s’affole du moindre bruit et pour qui tout va toujours trop vite ? « Je le savais (…) que tu serrais les dents en dissimulant ta souffrance. Et que tu ne voulais pas m’en parler. »

Sans armure commence par nous raconter une histoire d’amour entre deux êtres humains, qui s’avèrent ici deux jeunes femmes, pour dériver à partir de la brouille qui conduit l’une à fuir l’autre vers une réalité autrement plus complexe : celle de la lutte au quotidien de l’une d’entre elles contre l’autisme. Le récit évoque dès lors aussi bien les souffrances de Brune que la difficulté pour Yannick d’identifier les blessures de son amie sous la carapace qu’elle a édifiée pour se protéger. Il lui faudra identifier ce qui ronge l’être aimé de l’intérieur, en accepter les difficultés, voire les partager, et l’accompagner dans sa lutte pour espérer en triompher.
« Ce chagrin vissé dans ton corps qui ne désarme pas. Le chagrin de savoir qu’on n’est pas, et qu’on ne sera jamais, complètement comme les autres. Je l’ai tant partagé avec mon frère avant qu’il ne relève la tête et s’affirme. »
« On avancera ensemble (…) On fera notre affaire de tout ce qui te blesse, t’entrave, te sature, te fait perdre le Nord, la tête, l’énergie. » 

Ce roman d’une cinquantaine de pages édité dans une collection (Ego) dédiée aux adolescents et jeunes adultes, sous couvert d’une histoire d’amour, cache dans son sillage les difficultés à s’intégrer et le mal-être que la singularité et la non assimilation aux normes sociales, dues en l’occurrence à Asperger, peuvent produire. Le récit ouvre aussi la porte à l’importance que, au-delà de la tolérance, la compréhension et l’empathie peuvent apporter à ceux qui se retrouvent ainsi marginalisés. Une bien belle illustration, presque idéale, des éventuels pouvoirs salvateurs de l’amour.

Un roman pudique, poétique et sans clichés qui surprend par sa double entrée et dit à merveille cette vie tissée de différences visibles ou non et pleine de difficultés et de richesses qui s’offre à celle ou celui qui sait ouvrir les yeux sur l’autre. C’est simplement beau, émouvant et subtilement écrit, plein d’une force de vie qui ne peut laisser personne indifférent. 

Dominique Baillon-Lalande 
(24/07/20)