Jean-Philippe Blondel a un grand talent pour mettre en scène des adolescents, nous faire partager leurs émotions, leur mal-être et leurs préoccupations.
Ici, la narratrice s’appelle Lou, elle a quinze ans et sa préoccupation principale est le dérèglement climatique qui risque d’anéantir l’espèce humaine.
Après le choc de la prise de conscience, il y a une phase de découragement, de résignation, puis la révolte et le besoin d’agir. C’est cette évolution que nous accompagnons pendant les deux premiers trimestres de Lou au lycée.

Le choc a eu lieu au mois de mai alors qu’elle était encore au collège. « Tout à coup, au beau milieu du cours d'histoire-géo, alors qu'on évoquait pour la vingt millième fois le développement durable, la question est venue se planter dans mon esprit, un peu comme le morceau de la tasse en porcelaine qui s'est fiché dans la plante de mon pied gauche la semaine dernière quand je l'ai cassée. "À quoi bon ?" Trois petits mots bien inoffensifs. Trois petits mots dévastateurs. »  « À quoi bon étudier alors qu'on ne sait même pas à quoi la Terre ressemblera quand on sera adulte ? »
Sous la violence de cette prise de conscience, Lou s’évanouit.

Après son malaise en classe, sa mère la conduit chez le médecin qui la connaît depuis qu’elle est petite et qui l’a toujours prise au sérieux. Quand elle lui décrit son mal-être, il lui explique que face à cette perte de sens et de confiance en l’avenir, « la seule possibilité pour se sentir mieux, c’est d’agir ». Soit, mais où, quand, comment, avec qui ?

C’est un peu par hasard, à la fin d’une soirée chez une copine, qu’un garçon lui propose de regarder une vidéo susceptible de l’intéresser. Une jeune Suédoise, Greta Thunberg, a décidé de partir en grève contre le climat.
« Jamais je n'aurais cru que mon existence puisse être bouleversée par une espèce de gamine rouquine qui ressemble à toutes les petites sœurs chiantes du monde et qui s'exprime bizarrement parce qu'elle est autiste, tendance Asperger.
Je la regarde et je suis fascinée. Sa façon claire d'énoncer les constats, de lancer les accusations sans aucune agression, son humour décalé face au journaliste qui veut savoir si ses parents ne sont pas outrés qu'elle loupe les cours tous les vendredis après-midi (et immédiatement, la réplique me vient : "Et vous, vos parents sont-ils fiers que vous posiez des questions débiles, est-ce que c'était ça, le rêve de leur vie ?"). »

Lou va découvrir qu’elle n’est pas la seule à se sentir concernée par le dérèglement climatique. Mais encore faut-il accepter d’aller vers les autres, de leur parler et de les écouter. « Si je continue à traiter de façon sarcastique et méprisante tous ceux qui m'entourent, nous n'arriverons jamais à rien. Il faut que je me montre plus conciliante. Non. Pas que je me montre. Que je sois. Parfaitement. Un changement en profondeur. […] L'essentiel, c'est quoi ? L'essentiel, c'est de sauver la planète. »

Le travail de Lou sur elle-même pour mieux communiquer, ses recherches pour mieux comprendre la situation mondiale, sa détermination grandissante pour mobiliser les esprits élargissent peu à peu le cercle de ceux qui comprennent l’urgence absolue de réagir contre la résignation générale et la fuite en avant des états et des décideurs économiques.
Elle est parfois très étonnée d’être rejointe par des personnes qu’elle croyait très éloignées de ces préoccupations…

Voilà une narratrice avec laquelle beaucoup d’ados vont se trouver des similitudes et qui va peut-être les aider à se repérer un peu dans le chaos de cette période complexe où ils doivent quitter l’enfance sans avoir vraiment envie de ressembler aux adultes qui les entourent.

Comme tous les romans jeunesse de Jean-Philippe Blondel, celui-ci devrait trouver sa place dans tous les CDI dont Lou dit le plus grand bien.
« Ce qui est bien, au CDI, c'est que ton esprit peut divaguer et que, parfois, tu te retrouves bien barrée dans ton scénario quand soudain quelqu'un que tu connais à peine vient s'asseoir à côté de toi, alors que tu ne lui as rien demandé. Parce qu'il n'y a pas d'autre place. Ou parce que cette personne-là a envie de te connaître mieux et qu'elle n'a pas froid aux yeux. Le CDI, au lycée, c'est un peu comme un Tinder de la vraie vie. C'est donc comme ça que Carmen est entrée dans mon existence. » À suivre….